A quoi rêvent les filles de l'Est ?

Le reportage s'ouvre sur cette magnifique phrase qui en dit long : "pour comprendre ces filles, nous nous sommes tournés d'abord vers les hommes qui les font travailler". Toujours se rapprocher des macs en effet, ça permet de mieux cerner le problème. On avait donc l'interview d'un photographe et ensuite d'un producteur de film qui expliquaient que pour faire ces métiers il faut en premier lieu être profondément amoureux des femmes. C'est marrant, je ne savais pas qu'amoureux menait à proxénète... Le photographe soulignait ensuite que depuis la chute du mur et l'effondrement des républiques communistes de l'est, un nombre certain de filles débarquaient dans la profession. Elles sont accueillies les bras ouverts car elles sont belles, ne coûtent pas chères, sont prêtes à tout et à l'inverse des Françaises, ne discutent pas les contrats.
Mais la partie la plus intéressante de ce reportage était bien sûr d'aller à la rencontre de ces filles. Des Roumaines, des Tchécoslovaques, des Bulgares, si jeunes, si belles aussi, prêtes à se déshabiller pour quelques centaines d'euro. Pourquoi ? Parce qu'elles gagnent en une séance photo ce que leurs mères gagnent en trois mois, parce que pour elles la France c'était un rêve, un pays "où il fait toujours beau" (heu... pas toujours) et qu'elles rêvaient d'autre chose que de se marier à 19 ans, d'avoir un enfant à 20, un second à 22, de partir en vacances en Tchécoslovaquie à 24, d'acheter une voiture à 25 et de crever de faim toute leur vie.
D'ailleurs à quoi rêvaient-elles ? Entre deux prises de films X, l'une d'entre elles nous explique qu'elle n'avait pas de rêve de petite fille, que son enfance avait été cadrée par un gouvernement qui ne laissait que peu de place à l'espoir, que son peuple n'était pas un peuple fier et qu'elle n'avait pas confiance en elle. Ce qui revenait au cours des interview c'était cette sorte de dédoublement de personnalité. Sans doute était-ce pour tenir le coup et conserver un minimum d'amour-propre mais ces filles expliquaient toutes que ce n'était pas vraiment elles lorsqu'elles se déshabillaient, mimaient des fellations ou tournaient dans des films. Elles restaient timides et réservées une fois sorties de là, identiques à celles qu'elles étaient en quittant leur pays.
J'ai trouvé ce reportage assez fort. Pas de faux semblants, pas d'angles arrondis. Juste des filles, comme vous et moi, d'une vingaine d'années, qui n'ont pas eu énormement d'autres choix que celui là pour sortir de la misère, du communisme. Ce qui me percute toujours par contre c'est que cette industrie marche sur un principe simple et millénaire : des femmes qui travaillent pour des hommes. Je ne sais pas pourquoi je ne ressens pas cette même empathie ou cette même compassion pour les acteurs pornos hommes, mais j'ai toujours plus mal en pensant à la condition de ces filles.
Est-ce à jamais le plus vieux métier du monde ?